TEXTILES (INDUSTRIES)

TEXTILES (INDUSTRIES)
TEXTILES (INDUSTRIES)

Les hommes se sont habillés depuis la plus haute antiquité. La recherche dans la présentation vestimentaire s’est traduite aussi bien dans la manière de concevoir des vêtements que dans le choix du matériau fibreux pour les réaliser. Ceintures, fibules et autres ornements accessoires ont accompagné la marque hiérarchique du vêtement et ont été la manifestation de la créativité et de l’ingéniosité de l’homme autant que de ses talents artistiques. Un des symboles de l’art textile est la soie: selon les Odes de Confucius, vers 2640 avant J.-C., une princesse chinoise l’aurait découverte fortuitement. Les soieries mais aussi les cotonnades et les draperies furent au centre d’un commerce lucratif dès l’Antiquité, mais plus particulièrement après l’an 1000. Après les croisades, et notamment à partir du XIIe siècle, l’Occident opposa aux soieries du Levant ses créations originales.

Mais c’est la révolution industrielle de la fin du XVIIIe siècle qui donna un essor particulier au textile, premier bénéficiaire des apports de la technologie nouvelle. Les points sensibles des processus artisanaux ont alors fait l’objet d’une mécanisation: la machine à filer de Hergreaves, la célèbre mule-jenny de S. Crompton ont révolutionné le travail du coton et de la laine, tandis que l’apparition du métier à tisser mécanique a libéré le tisserand de son rôle de force motrice, comme c’était le cas avec le métier «à bras». Les interactions du textile et de la sidérurgie ont été à la base de la mécanisation en général et ont ainsi permis le passage de l’artisanat à l’économie industrielle: rappelons que c’est pour le tissage qu’ont été inventés les systèmes à perforation pour la commande automatique du marchage, qui sont à l’origine de la programmation informatique; plus tard, dans la seconde moitié du XIXe siècle, a été inventé le différentiel, pour résoudre un problème de vitesses relatives sur un banc à broches textile. Au même moment a été conçue et réalisée la première machine transfert Hackling avec un passage successif automatique sur peigneuses de plus en plus fines pour le travail de la filasse de lin... Cependant, l’industrialisation s’est limitée jusqu’à ces dernières années à la mécanisation des mêmes processus partiels de fabrication, transposés de l’artisanat, pour arriver, certes, à une productivité de plus en plus grande, mais sans remise en cause fondamentale d’un ensemble régi par les contraintes anthropométriques. Un des exemples les plus frappants concerne le cardage, c’est-à-dire l’opération de démêlage des fibres pour permettre la transformation d’un matelas de fibres en nappe fine, le «voile», rassemblé en ruban avant de subir les étirages successifs jusqu’au fil. À la base, la carde à balancier, semblable à celle qu’employaient les tapissiers pour «régénérer» les matelas de laine, a inspiré la conception de la carde à tambour, qui conserve notamment le même rayon de courbure, déterminé par la longueur de l’amplitude de mouvement des bras du tapissier, jusqu’à aujourd’hui. Ainsi, le tambour était initialement en bois et tournait relativement lentement, pour produire environ 0,5 kg de ruban à l’heure; actuellement, le tambour est en acier, monté sur roulements à aiguilles, avec une vitesse de rotation se rapprochant de 1 000 tours par minute pour une production d’environ 50 kilogrammes de ruban par heure. On est ainsi contraint de faire tourner près d’une tonne d’acier pour traiter une cinquantaine de grammes de coton par tour! Par ailleurs, le morcellement en processus partiels qui n’a pas été modifié lors du passage de l’artisanat à l’industrialisation nécessitait, jusqu’à des temps récents, une main-d’œuvre importante, notamment pour le transfert d’une machine à l’autre, en rapport avec l’accroissement de productivité des machines actuelles.

La robotisation et l’automatisation ont été principalement appliquées à la décharge du produit semi-fabriqué à la sortie d’une machine, pour l’alimentation mécanique et automatique de la machine suivante dans le cycle de fabrication. Par ailleurs, la plupart des économistes recommandèrent aux pays en voie de développement d’investir dans le textile, pour la création d’emplois nombreux, alors que la mutation à prévoir pour les industries textiles résidait, d’une part, dans la suppression massive des postes à faible qualification et, d’autre part, dans l’investissement intensif en machines à grande production et de haute technologie. En effet, les matières premières textiles naturelles (coton notamment) étant produites sur place, il fallait valoriser dans le pays cette matière première, laquelle, jusqu’au milieu du XXe siècle, était essentiellement exportée, puis réimportée sous forme d’articles textiles de consommation, mais avec une forte valeur ajoutée.

En réalité, les pays en voie de développement ont rapidement opté pour l’équipement en matériels ultramodernes et sophistiqués, ce qui ne contribua pas à un décollage rapide de leur économie, bien que leur industrie textile doive permettre de subvenir en bonne partie à leurs besoins vestimentaires. Mais leur objectif est d’exporter des articles textiles, en se fondant sur leurs faibles coûts salariaux; cela a eu pour effet, dans les pays industrialisés, d’accélérer le développement des techniques et de porter la productivité des machines à un niveau tel que l’incidence des frais salariaux se réduise au minimum, pour rester compétitifs ou pour offrir sur le marché des produits non fabriqués dans ces pays en développement.

La production de fibres artificielles (cellulosiques surtout), puis de fibres chimiques , a commencé dans la première moitié du XXe siècle, dans des conditions de prix qui ne menaçaient guère les fibres naturelles... Mais, après la Seconde Guerre mondiale, les progrès concernant la qualité et la production massive des fibres chimiques ont permis de placer sur le marché, à des prix très compétitifs, des fibres concurrençant les fibres d’origine naturelle. De plus, les mélanges fibres chimiques-fibres naturelles, alliant les propriétés des unes et des autres, ont participé au confort dans le porter et l’entretien des textiles de façon décisive, depuis les articles de layette jusqu’aux draperies, sans oublier les soieries et les cotonnades, où les fibres naturelles ont été partiellement ou totalement remplacées par les fibres chimiques. Ces mélanges expliquent le maintien des techniques de type coton et de type laine (on parle maintenant plutôt de «fibres courtes», coton, et de «fibres longues», laine), notamment en filature, bien que, rationnellement, la mise en œuvre de filaments continus plats ou texturés simplifie considérablement le processus d’obtention de fils.

L’explosion démographique mondiale s’accompagnant d’un besoin en textiles croissant, la mise en œuvre de fibres chimiques va augmenter régulièrement. Pour rester compétitifs, les producteurs de fibres chimiques sont tentés de créer des unités de production de plus en plus importantes. La taille critique d’une unité rentable semble être de 25 000 à 50 000 tonnes par an; en Chine, une usine d’une capacité de 500 000 tonnes par an de fibres chimiques est en cours de réalisation. Sans accords internationaux de limitation volontaire en fonction des besoins mondiaux, on risquerait une surproduction de fibres chimiques, économiquement malsaine; d’où les accords du type G.A.T.T., General Accord Tarif and Trade (Accord général sur les tarifs et le commerce), qui se préoccupent depuis 1972 des problèmes textiles. L’organisation mondiale du commerce (O.M.C.) a pour mission d’appliquer les règles du G.A.T.T.

L’avenir des industries textiles se présente sous plusieurs aspects. D’une part, du point de vue technologique, les potentialités résultant des recherches de pointe laissent prévoir des accroissements encore spectaculaires de productivité, avec du matériel hautement automatisé et avec une souplesse, une flexibilité, extrême dans l’utilisation. Les moyens concernent la généralisation de l’introduction de l’informatique d’assistance (conception, réglage et gestion technique des machines, gestion de production) et la simplification du cycle de fabrication. Ainsi, en 1960, le filage des filaments continus chimiques se faisait à 70 mètres par minute, alors qu’en 1988 des vitesses de 3 500 à 5 000 mètres par minute sont courantes. En 1960, les machines à filer dites «continus à filer» travaillaient à 20 mètres par minute, exceptionnellement à 30 mètres par minute. En 1988, les machines de filature dites «à fibres libérées» peuvent produire de 100 à 200 mètres de fil (par tête de filage) par minute, et certaines machines ont été proposées à la foire internationale de l’Itma (International Textile Machinery), à Paris, en 1987, pour travailler à 300 mètres par minute, et il existe des prototypes qui tourneraient à 600 mètres par minute. En 1788, il fallait quelque 200 heures de travail d’un tisserand pour produire une pièce de 100 mètres; en 1988, il faut moins d’une demi-heure pour la fabriquer. En confection, il est possible aujourd’hui de prendre les mensurations par un dispositif optique évolué, couplé à un ordinateur qui traduit en bidimensionnel les besoins en étoffe saisis en tridimensionnel, dessine le patron optimisé, commande la découpe automatique au laser et prépare l’assemblage et la couture avec un minimum d’intervention humaine pour un «sur mesure» rapide et fiable. D’autre part, du point de vue commercial, la ligne de conduite est en pleine évolution: jusqu’en 1970, il s’agissait de produire («productivité» était le mot clé) et de vendre en menant une politique agressive, en délaissant les articles standards en faveur d’articles spéciaux, avec regroupements et décentralisation des entreprises. À partir des années 1980, l’objectif était le «marketing», c’est-à-dire une politique de vente fondée sur la connaissance des besoins du marché et des possibilités de l’entreprise: les priorités étaient changées de la part du consommateur, et on parle de marketing ciblé, sans négliger la productivité. Pour les années 1990, à ces points acquis s’ajoutent, d’une part, la réduction spectaculaire des durées de fabrication, depuis le moment où la mode et le marketing indiquent ce qu’il y a lieu de produire, jusqu’à la sortie de l’article fini (fabrication «juste à temps» et, conséquence intéressante, diminution des stocks) et, d’autre part, le souci de la «juste qualité», pour éviter la trop coûteuse sur-qualité autant que la sous-qualité, encore plus onéreuse et qui risque de casser un marché. C’est à ce prix que les entreprises textiles des pays développés pourront se maintenir dans un marché libre-échangiste, face aux productions des pays à bas salaires.

1. La filature

La fabrication de fils textiles, ou filature, est la base même de l’industrie textile. Pour fabriquer un tissu, un tricot, voire une étoffe à usage technique, il est indispensable, dans la plupart des cas, de passer par le stade du fil. Le tableau 1 permet de juger la répartition des domaines d’application des fils textiles. Il est à noter que le poste relatif aux textiles à usage technique est en forte progression, bien que, dans ce domaine, l’utilisation des non-tissés, qui ne nécessitent pas le passage par le stade fil, soit très prononcée.

Le fil, produit de la filature, est en général caractérisé par sa composition, par son titre et par sa structure. La composition relève de la qualité et de la proportion des fibres qui le constituent. Le titre, ou masse linéique, s’exprime en unité internationale tex (1 tex = masse en mg du textile/longueur en m). Il est encore d’usage d’utiliser d’autres unités selon le pays, la région, voire le secteur d’activité.

La structure du fil est directement liée à la technique de filature proprement dite. Ainsi, s’il s’agit d’un fil obtenu par torsion, les caractéristiques essentielles de structure seront son sens (S ou Z) et sa valeur (tours par mètre ou tr/m). Bien d’autres paramètres caractérisent un fil, son aptitude à être transformé en étoffe et ses propriétés à l’usage. Parmi les plus importants, on retiendra ses propriétés mécaniques à la traction et sa régularité en masse linéique. Les relations qui lient les propriétés des fibres individuelles à celles des fils obtenus sont très complexes et dépendent fortement de la structure du fil. La transformation de fibres en fil figure sans doute parmi les processus textiles les plus compliqués, car elle consiste à passer d’un état totalement désorganisé (fibres sous forme de bourre) à une structure très organisée (fil).

Les fonctions indispensables qui caractérisent la filature de filés de fibres sont résumées et schématisées dans la figure 1.

On peut comprendre que, selon les fibres à traiter, ces fonctions ne soient pas satisfaites par les mêmes moyens. Si le nettoyage du coton peut être effectué par la seule conjugaison d’une action mécanique et d’une action pneumatique, celui de la laine nécessite une action chimique de lavage. Ainsi, la filature a toujours été divisée en secteurs correspondant aux principales fibres naturelles telles que le coton, la laine, le lin. On parle essentiellement de deux domaines, à savoir la filature des fibres courtes (type coton) et celle des fibres longues (type laine). Dans chacun de ces domaines, les fibres chimiques sont utilisées soit en mélange avec les fibres naturelles, soit pures.

Nettoyer, ouvrir et mélanger

Si les fibres chimiques ne nécessitent pas d’opération de nettoyage proprement dite, celle-ci est essentielle pour toutes les fibres d’origine naturelle. Ainsi, la laine doit tout d’abord être lavée afin d’être débarrassée de diverses substances organiques, entre autres celles qui proviennent des sécrétions de la peau (suint et suintine). À cet effet, on la lave dans de grands bacs d’eau tiède additionnée de détergents, ou en nappes soumises à des jets de liquide détergent. L’action mécanique est très réduite, pour éviter les risques de feutrage. Après rinçage dans les derniers bacs, la laine est séchée à l’air chaud. Les eaux résiduelles sont dégraissées pour récupérer la lanoline. Des techniques de lavage en milieu solvant sont également pratiquées pour réduire les coûts liés à la dépense énergétique et la pollution propre au lavage de la laine.

Pour débarrasser les fibres naturelles de poussières plus ou moins fines et de débris végétaux, on fait appel à la conjugaison d’une action mécanique et d’une action pneumatique. Ces traitements sont schématisés dans la figure 2.

L’action pneumatique permet la séparation définitive des fibres et des déchets; elle est fondée sur la différence de masse volumique apparente entre les flocons de fibres et les déchets.

L’intensité des actions mécaniques est fonction: de la vitesse relative entre élément mobile et élément fixe, de la géométrie d’implantation de ces éléments (garniture, distance et orientation), de la quantité de matière en travail, de l’état initial de la matière avant l’action mécanique, des conditions climatiques (température, humidité relative).

Démêler et individualiser

Fondé sur une action mécanique décrite comme extrême, le démêlage ou cardage est considéré comme l’âme de la filature (fig. 3). En effet, c’est lors de cette opération que les fibres, enfin individualisées, sont réunies sous forme d’un ruban, première structure linéique sur le parcours qui mène de la fibre au fil.

Les techniques de cardage varient selon que l’on se situe en filature de fibres courtes ou longues. Pour le travail des fibres courtes, on privilégie la carde dite à chapeaux, où les fibres sont démêlées entre des surfaces cardantes qui se déplacent à des vitesses relatives importantes. Le transfert des fibres de chapeau en chapeau se fait par l’intermédiaire d’un grand tambour. Le cardage des fibres longues se fait sous l’interaction entre les flocons de fibres et des tambours garnis de pointes et tangants les uns aux autres sous la forme de lignes de cardage. Le transfert des fibres d’un cylindre à l’autre obéit à des lois probabilistes particulières, dites de Markov.

Orienter

Une fois le cardage effectué, il s’agit de conférer au ruban obtenu son aptitude à l’affinage, afin de pouvoir diminuer le nombre de fibres en section droite jusqu’à la valeur voulue pour en faire un fil. À cet effet, il faut orienter les fibres, c’est-à-dire les paralléliser. Cette opération est réalisée par étirage du ruban de fibres entre deux paires de cylindres dont le rapport des vitesses est égal à la valeur de l’étirage. La distance qui sépare ces paires de cylindres est au moins égale à la longueur des fibres les plus longues, afin d’éviter un «craquage». En général, cette opération est accompagnée d’un doublage de plusieurs rubans afin d’améliorer la régularité en masse linéique. Au moins deux passages d’étirage sont nécessaires afin de déployer les deux types de crochets ou ganses de fibres pouvant se présenter après le cardage et de pouvoir garantir un maximum de fibres parallèles.

Les opérations d’étirage conviennent particulièrement au mélange de plusieurs composants sous forme de rubans. Les mélanges obtenus sont plus précis que ceux qui sont effectués avant cardage, mais moins homogènes. Pour certaines qualités de produits, il convient d’effectuer un peignage, opération qui consiste à éliminer toutes les fibres inférieures à une longueur choisie, appelée base de triage.

Affiner et donner la cohésion

Selon le procédé de filature employé pour réaliser le fil proprement dit, on peut utiliser un ruban de masse linéique relativement importante (quelques kilotex), ou on est obligé de réduire auparavant sa masse linéique (quelques centaines de tex) sous forme d’une mèche. Cela est dû à la faible production propre à certains procédés de filature. Ainsi, la technique dite filature par anneau et curseur, de loin la plus utilisée, conduit à des productions de l’ordre de quelques dizaines à quelques centaines de grammes par heure et par poste de travail. Aussi, d’un point de vue économique, il ne serait pas justifiable de stocker en amont d’une telle position de filature un ruban de fibres sous la forme d’un pot d’une dizaine de kilogrammes.

Cohésion par torsion

Une fois la bandelette fibreuse affinée et ayant la masse linéique requise, le moyen le plus simple pour lui donner de la cohésion consiste à lui donner de la torsion.

Le seul fait de tordre un flux fibreux permet de lui conférer une cohésion suffisante pour résister aux différentes sollicitations lors de sa transformation en étoffe et lors de l’utilisation de cette dernière. Or, pour donner une vraie torsion à un fil, il faut entraîner en rotation l’une des extrémités du flux fibreux correspondant: soit l’extrémité renvidée (fig. 4 a), comme on le pratique depuis l’Antiquité (les fileuses égyptiennes faisaient tourner la quenouille suspendue au fil en formation à plus de 10 000 tr/min); soit l’extrémité en formation (fig. 4 b), à condition d’interrompre le flux fibreux à cet effet (filature à fibres libérées).

La première solution a l’avantage de traiter un flux continu de fibres, du ruban jusqu’au fil, sans perturber l’arrangement fibreux. Toutefois, ce procédé (fig. 5) est fortement limité en vitesse de production du fait de la nécessaire rotation du support de fil (bobine) pour donner la torsion. À titre d’exemple, une broche de continu à filer tournant à 14 000 tours par minute pour la filature d’un fil de 20 tex destiné au tissage en chaîne assurera une production de 18 kilogrammes par heure à une vitesse de 15 mètres par minute. La vitesse de rotation des broches est, bien entendu, limitée par l’inertie de la bobine, la vitesse du curseur et, enfin, la tension du fil.

La seconde solution permet des grandes vitesses de filature, et tous les artifices sont possibles pour communiquer une vitesse de rotation importante à l’extrémité du fil en formation. La technique du rotor (fig. 6), pionnière en ce domaine, n’est plus considérée aujourd’hui comme un procédé non conventionnel.

Il existe d’autres moyens permettant de donner de la torsion à un flux de fibres libérées. Ainsi, la façon la plus élégante de limiter les masses en rotation consisterait à utiliser comme vecteur un courant d’air rotatif (vortex). Dans ce cas précis, l’extrémité du fil en formation et les fibres libérées sont les seuls éléments tournant à grande vitesse. Toutefois, ces techniques n’ont pas encore connu de développement industriel important. En revanche, la filature à frottement, dite «à friction», suscite beaucoup d’intérêt. La première phase de ce procédé, c’est-à-dire l’ouverture du flux de fibres à l’aide d’un briseur, est semblable à celle du procédé à rotor, mais la rotation de l’extrémité du fil en formation est assurée par son frottement propre contre deux cylindres de révolution tournant dans le même sens. Il résulte de ce contact une vitesse de rotation théorique du fil, dans le rapport des diamètres tambour-fil. En réalité, cette vitesse est réduite par un facteur de perte, mais reste largement suffisante pour assurer des vitesses de filature élevées. Le développement de ce procédé est actuellement encore freiné par le manque de maîtrise du contact fil-tambour, donc de la régularité des caractéristiques du fil obtenu.

Cohésion par le biais de la fausse torsion

Si l’on communique une fausse torsion à un fil à l’arrêt (fig. 7 a), il en résulte deux torsions inverses en amont et en aval du point de fausse torsion. Si le fil se déplace (fig. 7 b), après une phase transitoire, la torsion en amont du point de fausse torsion se stabilise à une valeur Ts (tension résiduelle) et la torsion en aval s’annule:

w est la vitesse de fausse torsion, v la vitesse de déplacement du fil, t le temps et L1, L2 les distances respectives où la fausse torsion est imprimée.

Ainsi, la fausse torsion paraît être l’artifice idéal pour former un fil à la sortie d’un train d’étirage, mais elle disparaît en aval de son point d’application. En effet, dans la mesure où toutes les fibres subissent une vraie torsion en amont, elles regagnent une torsion nulle en aval du point de fausse torsion.

La technique de fausse torsion a trouvé de larges applications en texturation, où l’état tordu n’est nécessaire que durant une phase transitoire de fixage thermique, afin d’assurer une déformation plastique des filaments. En revanche, son application en filature de filés de fibres n’a pas été aisée. Toutefois, le problème a pu être contourné de différentes manières et notamment grâce au phénomène dit «de fibres marginales».

La figure 8 montre que, si certaines fibres sont libres à la sortie du train d’étirage, la fausse torsion appliquée à la majeure partie du flux de fibres ne leur sera pas communiquée en amont du point de fausse torsion. En conséquence, lors de la détorsion du flux principal, ces fibres marginales viendront se guiper autour des fibres détordues et apporteront ainsi de la cohésion au fil. C’est le principe de la filature dite «à jet d’air», où la fausse torsion est donnée par un jet d’air rotatif (air comprimé). Les techniques diffèrent selon les moyens utilisés pour libérer ou véhiculer les fibres marginales nécessaires à la guipure.

Le grand avantage de la fausse torsion repose sur la facilité de l’appliquer à un fil en mouvement. En effet, il n’est pas nécessaire, dans ce cas, d’entraîner en rotation une extrémité du textile linéaire. Il suffit de lui communiquer un torsage mécanique ou pneumatique en un point quelconque. On pousse ainsi très loin la limite théorique et pratique de la vitesse de filature.

Cohésion sans torsion

Dans les procédés décrits ci-dessus, la cohésion du fil est assurée par le frottement interfibre sous l’action d’une force normale qui résulte de la torsion de la structure fibreuse. Cette force normale, nécessaire à la cohésion du fil, peut être transmise par d’autres moyens que la torsion propre des fibres, par liage mécanique ou physico-chimique. La filature par guipage consiste donc à consolider la structure fibreuse à l’aide d’une guipure constituée d’un fil multifilamentaire.

Les procédés de filature par collage se développent et sont commercialisés. Ils consistent à encoller des fibres au cours de l’étirage, à leur donner éventuellement une cohésion supplémentaire par fausse torsion, puis à sécher le filé ainsi obtenu. La colle est éliminée après transformation du filé en étoffe.

La figure 9 schématise la structure des fils obtenus selon les principaux procédés de filature. En dehors de celui qui est obtenu selon le procédé conventionnel «à anneau et curseur», les applications de ces différents fils ne sont pas universelles. Ainsi, le fil guipé convient particulièrement à la fabrication des tapis. En effet, dans le cas de cette application, le fil de guipage est invisible du fait même de la présentation du tronçon de fil dans un tapis (velours).

En 1987, des statistiques ont révélé que près de 70 p. 100 de la production des fils était assurée selon le procédé à anneau et curseur et 30 p. 100 selon le procédé à rotor. Les autres techniques restent encore marginales, mais risquent de connaître un développement important dans les années futures.

Renvider sur un support

La filature à anneau et curseur fournit des bobines de faible capacité, appelées «cops», qui ne conviennent pas à une transformation directe en étoffe. Il faut en effet débarrasser le fil des impuretés éventuelles et le bobiner sur des supports de grande capacité (quelques kilogrammes). Ces opérations sont effectuées sur des bobinoirs. La détection de défauts (grosseurs, minceurs ou boutons) est faite à l’aide de capteurs opto-électroniques ou capacitifs. Après élimination du défaut, le fil est rattaché par nœud ou épissure. Le niveau d’automatisation en filature permet, dans bien des cas, des liaisons automatisées des continus à filer et des bobinoirs. Les autres procédés de filature ne nécessitent pas toujours un rebobinage ultérieur.

2. Le tissage

Entrelacer des fils pour en faire des étoffes est une activité qui remonte à l’Antiquité. Sans doute utilisait-on primitivement un métier vertical composé d’une barre à laquelle étaient attachés des fils tendus vers le bas par des pierres; à l’aide d’une grosse aiguille, on entrelaçait les fils de trame. Mais l’homme a très rapidement, semble-t-il, pensé à séparer la nappe de fils en deux et à se servir d’une navette pour faire passer la trame à travers cette ouverture. Le métier à bras était né; pendant des siècles, il ne subit que de très légères modifications. Le tisseur, par un travail monotone, indéfiniment repris et faisant appel à ses deux jambes et à ses deux bras, n’exécutait que quelques mètres de tissu par jour. La première amélioration réalisée sur ce métier de conception simple apparaît en 1733 avec la navette volante de John Kay qui libère une main du tisseur. Puis, en 1780, reprenant les idées de Falcon et de Vaucanson, le père des automates, Jacquard réalise la mécanique qui devait porter son nom. Ce progrès, si important fût-il, ne libérait pas encore le tisseur; mais, avec l’invention de Cartwright, le métier mécanique devait apparaître dès 1786. À partir de cette date, les progrès seront ininterrompus. Cependant, qu’il s’agisse du métier à bras ou des métiers modernes, les principes mêmes du tissage restent identiques et les étoffes réalisées comprennent deux séries de fils: une série parallèle aux lisières du tissu, appelée «fils de chaîne», et une série perpendiculaire à la chaîne, désignée sous le nom de «fils de trame» ou de «duites».

Les armures

Le mode d’entrecroisement des fils de chaîne et de trame est représenté par un schéma désigné sous le nom d’armure. L’exécution de ce schéma s’appelle «mise en carte» et se fait sur du papier quadrillé; chaque rangée verticale représente un fil de chaîne et chaque rangée horizontale un fil de trame. Chaque case figure l’intersection de deux fils et suivant qu’elle est peinte ou non elle indique que le fil de chaîne passe au-dessus ou au-dessous du fil de trame.

Il y a bien entendu de multiples combinaisons possibles et le nombre d’armures varie à l’infini. Comme armures de base, il faut citer la toile (ou taffetas), le sergé, le satin. La figure 10 représente la mise en carte de ces armures et, en fort grossissement, l’entrecroisement des fils obtenu sur métier à tisser.

L’armure fournit au tisseur les éléments nécessaires pour faire évoluer les fils de chaîne en reproduisant sur métier à tisser le type d’entrecroisement choisi; le nombre de fils et de duites au centimètre ainsi que le titre, c’est-à-dire la grosseur des fils à utiliser, lui sont également précisés.

Ainsi les articles les plus divers peuvent-ils être réalisés sur métier à tisser depuis le plus simple, comme l’armure toile, jusqu’aux articles à grands dessins comportant plusieurs chaînes et plusieurs trames, ainsi que les articles en velours, éponge, tapis et gaze.

Préparation des filés («préparation tissage»)

Pour pouvoir être utilisés au tissage, les filés, livrés par le filateur sous forme de cônes de fils, doivent subir une série d’opérations: ourdissage, encollage-réunissage, rentrage, avant d’être montés sur le métier à tisser.

L’ourdissage

L’ourdissage consiste à enrouler sur un même support, parallèlement entre eux et à longueur déterminée, un nombre de fils (les fils de chaîne) égal à celui que comptera le tissu: «compte en fils de chaîne». Deux types de matériel servent à cette opération: l’ourdissoir classique (ou parallèle) et l’ourdissoir sectionnel.

Ourdissoir classique . Plusieurs centaines de cônes livrés par le filateur sont disposés sur un support de cônes (cantre) et les fils (plusieurs kilomètres) dévidés de ces cônes sont enroulés (à plus de 1 000 m/min) sur toute la largeur (la laize) d’un même support: le rouleau d’ourdissoir. Compte tenu du nombre de fils de chaîne (plusieurs centaines) dans le tissu, il faudra réunir dans une opération ultérieure les nappes de fils de plusieurs de ces rouleaux.

Ourdissage sectionnel . Le cantre reste inchangé, mais les fils sont enroulés sur le tambour, en bandes étroites à la densité nécessaire pour le tissage; il faudra juxtaposer exactement plusieurs de ces bandes (ou sections) jusqu’à obtenir (sur la largeur, génératrice du tambour) le nombre de fils composant la chaîne du tissu. Cette technique est réservée aux articles où le placement de fils de chaîne dans un ordre déterminé est nécessaire: les «tissés teints», tels que les écossais, où les fils sont teints avant tissage.

L’encollage-réunissage

En dehors de quelques fils «retors», tous les fils subissent un apprêt leur permettant de mieux résister aux sollicitations de tissage: extensions répétées et abrasion. On profite du nécessaire réunissage des fils de plusieurs rouleaux d’ourdissage pour appliquer une colle (encollage) sur les nappes de fils préparées. Après exprimage (par pression de rouleaux, les liquides ressortent), la nappe encollée est séchée sur tambours, puis les fils de la nappe, éventuellement collés ensemble, sont individualisés aux baguettes de séparation, avant d’être enroulés ensemble sur une «ensouple» de tissage: la chaîne, prête alors à être montée sur la machine à tisser. Durant l’encollage, les tensions, l’allongement de la nappe, les températures de la colle et de séchage, l’humidité résiduelle de la chaîne encollée, la vitesse de défilement sont surveillés et régulés électroniquement.

Les colles utilisées doivent augmenter la résistance du fil sans diminuer ses capacités d’allongement; elles doivent posséder une grande propriété filmogène et doivent aussi être facilement éliminables lors des prétraitements d’ennoblissement (désencollage avant teinture, apprêt ou impression du tissu). Les colles à base de fécule de pomme de terre convenant à l’encollage du coton sont progressivement remplacées par d’autres produits, carboxyméthylcelluloses, polyacrylates ou polyalcools vinyliques, mieux adaptés à l’encollage de mélange coton-polyester.

Rentrage

Le rentrage consiste à passer un à un les fils de chaîne dans les œillets des lisses, ainsi que dans les dents du peigne: cette opération, longue et fastidieuse, est effectuée par des machines automatiques à rentrer.

Nouage

En fin de chaîne, sur machine à tisser, s’il n’est pas nécessaire de changer d’article à tisser, le rentrage est remplacé par le nouage: on rattache alors chaque fil de l’ancienne chaîne au fil correspondant de la nouvelle chaîne, grâce à une machine noueuse automatique (plus de 600 nœuds à la minute).

Métiers et machines à tisser

Selon le dispositif de commande et le mode d’insertion de la trame, le matériel de tissage peut se classer en trois catégories: métiers à bras, métiers mécaniques ou à navette, machines à tisser. La figure 11 présente une architecture générale commune à ces trois dispositifs.

Les fils rentrés dans les lisses peuvent évoluer par groupe ou individuellement. Dans le premier cas, toutes les lisses effectuant le même travail seront montées sur une même «lame». Le mouvement des lames (vertical) est donné soit par des cames (ce qui limite le nombre des lames et la longueur de l’armure), soit par des mécaniques appelées «ratières» permettant de travailler avec 25 lames avec une grande longueur d’armure. Ces ratières sont commandées par carte perforée ou par lisage électronique, en liaison ou non avec un ordinateur central. Dans le second cas, chaque lisse peut être commandée indépendamment par une «mécanique jacquard» permettant d’obtenir des dessins de n’importe quelle taille sur le tissu.

Sur métier à bras, c’était l’ouvrier qui assurait les mouvements du métier: la fragmentation de la nappe en deux avec une ouverture que l’on appelle la foule (commande par les pieds, «marchage»), lancement de la navette d’un bras et tassement de la duite par l’autre; ce type de métier n’est plus utilisé que dans l’artisanat.

Sur le métier mécanique, les différents mouvements sont commandés à partir d’un arbre actionné par un moteur: transposition mécanique du métier à bras. Le vecteur de la trame est une navette, généralement en bois, contenant une petite bobine, la «canette», qui se dévide à chaque passage dans la foule; lorsque la canette est épuisée, on la remplace automatiquement: ce type de machine, relativement lent (200 insertions de duites à la minute), demande une préparation spéciale de canettes et le tissage à plusieurs couleurs de trame est difficile; il est progressivement remplacé par les «machines à tisser».

On distingue quatre types de machines à tisser:

– la machine «à projectile», où le vecteur de la trame est un petit morceau d’acier portant à une de ses extrémités une pince, dans laquelle est maintenu le fil de trame, et qui est projeté avec un guidage par dents d’un côté à l’autre de la machine (vitesse: 400 tours ou duites par minute, soit 1 100 mètres de trame tissée à la minute);

– les machines «à lances» (rigides, souples ou télescopiques), où les deux lances situées de part et d’autre de la machine sont animées par va-et-vient synchronisé: une lance saisit le fil de trame pour le transmettre, au milieu de la laize, à l’autre lance venue à sa rencontre (vitesse: 450 tr/min, soit 1 300 mètres de trame tissée à la minute);

– les machines «à jet», où la duite est lancée, portée soit par un jet d’eau dans le cas de tissage de matière hydrophobe (vitesse 1 000 tr/min), soit par un jet d’air (vitesse: 600 tr/min);

– la machine «à foule ondulante», ou machine «multiphasée»: plusieurs porte-trames passent simultanément dans la foule, l’un après l’autre; c’est un système étudié depuis assez longtemps, mais dont l’avenir est réduit face aux performances des machines à jet.

L’informatique au tissage

L’informatique a deux applications importantes:

– la création assistée par ordinateur (C.A.O.) simule, sur écran, les armures, les couleurs et les contextures, ce qui permet la diminution des échantillonnages nécessaires à l’approche du modèle stylistique, tout en augmentant les capacités de création;

– la gestion assistée par ordinateur (G.A.P.O.) permet la maîtrise des flux de matière, l’analyse de la marche de chaque machine avec, à terme, la commande centralisée des fonctions de la machine à tisser (armure et duitage).

La production des machines à tisser est fonction de leur vitesse, du nombre de duites à insérer par centimètre de tissu et du rendement. Ainsi, une machine à jet d’air «battant» à 600 coups par minute pour réaliser un article comportant 22 duites au centimètre, avec un rendement de 90 p. 100, aura une production horaire de: 0,90 憐 600 duites 憐 (60 min/h) 憐 (1 cm/22 duites) 憐 (1 m/100 cm) = 14,7 m/h.

En 1987, le nombre de machines à tisser recensées en France était: de 13 967 (dont 10 051 à navettes) dans le secteur des fibres courtes (type cotonnier et mélanges) et de 3 313 (dont 162 à navettes) dans le secteur des fibres longues (type lainier), pour des productions respectives de 135 927 et de 42 091 tonnes de tissu.

3. La bonneterie

Le terme de bonneterie désigne la fabrication et le commerce des vêtements et des étoffes à mailles. Il est aujourd’hui tombé en désuétude, remplacé par «industrie de la maille».

Cette industrie, dont la technique est le tricotage, est très variée. En effet, parmi les articles de bonneterie, on peut citer les articles chaussants (bas, collants, chaussettes), les sous-vêtements masculins (slips, maillots de corps), les sous-vêtements féminins dits «indémaillables», les vêtements de dessus «coupés-cousus», les vêtements entièrement proportionnés, dits fully-fashioned , constitués à partir de panneaux façonnés au cours du tricotage par des «augmentations» et des «diminutions» du nombre de mailles, les tricots à usage industriel utilisés pour les emballages ou comme support d’enduction par exemple, d’autres articles encore, tels que les gants, les bérets, les dentelles, la layette, les rideaux, les filets de pêche, les articles de maintien, les fourrures artificielles, etc. À cette variété de produits s’ajoute une grande diversité du matériel de fabrication, car ces articles sont souvent réalisés au moyen de machines très différentes qui, de plus, ne permettent de travailler qu’une gamme de grosseurs de fil relativement restreinte. Si la bonneterie concurrence le tissage, notamment grâce à la souplesse de certaines techniques et à la grande capacité de production de ses métiers, les différents secteurs qui la constituent peuvent entrer eux-mêmes en compétition. Ainsi, l’apparition des fils synthétiques thermoplastiques, puis texturés, a donné naissance au bas sans couture réalisé sur petit métier circulaire, remplaçant les bas réalisés autrefois sur des métiers rectilignes de type Cotton. Enfin, la bonneterie ne se contente pas toujours de produire du tricot. Très souvent, elle le confectionne, et une usine de bonneterie comporte généralement un secteur tricotage et un secteur confection, réalisant ainsi une concentration verticale. La bonneterie est donc une industrie multiple, changeante et complexe, ce qui fait à la fois sa faiblesse et sa force.

Historique

Le tricotage est une technique beaucoup plus récente que le tissage. Le plus ancien échantillon de tricot a été découvert à Dura Europos (Syrie). Il est daté de 250 après J.-C. et est conservé à la galerie d’art de l’université Yale (Conn.). Des socquettes ont été découvertes dans des tombes égyptiennes du IIIe ou du IVe siècle de notre ère.

D’autres échantillons de tricot d’origine orientale, datant du XIIe ou du XIIIe siècle, sont conservés au Metropolitan Museum of Art de New York et au Detroit Institute of Arts. On admet généralement que l’art du tricotage nous est venu d’Orient, par l’intermédiaire des Arabes.

En France, Louis XI rendit la célèbre ordonnance des Bannières en 1467. Elle admettait enfin la corporation des bonnetiers dans les six corps de Paris.

En 1589, un Anglais, le pasteur William Lee, inventa le premier métier à tricoter. Il dut s’expatrier en France, ne pouvant obtenir de la reine Élisabeth le privilège de créer une manufacture. Sous la protection d’Henri IV, Lee s’installa à Rouen avec son frère James et six compagnons. L’assassinat du roi obligea Lee à renoncer à poursuivre ses recherches, et l’art du tricotage mécanique se perdit en France, tandis qu’il commençait de prospérer en Angleterre. Au XVIIe siècle, le développement de la bonneterie mécanique en Angleterre était tel que le gouvernement décida de s’assurer le monopole de tricotage en interdisant, sous peine de poursuites très sévères, l’exportation des métiers. En France, Colbert, convaincu de l’importance de cette technique, envoya secrètement Jean Hindret en Grande-Bretagne, et son «espionnage industriel» fut efficace, puisqu’il en rapporta les secrets du métier à bas et que Louis XIV créa, en 1656, la première manufacture française de bonneterie. La nouvelle industrie fit de rapides progrès. Le métier à bâti de bois dérivant directement de celui de Lee fut amélioré, transformé, et de nouvelles techniques se développèrent (métiers-chaîne, ou circulaires, métiers utilisant l’aiguille à clapet, métier Cotton, etc.).

Au XIXe siècle, le métal remplaça le bois et, dans les usines, les métiers utilisèrent la force motrice.

En 1970, le premier métier circulaire à commandes informatisées était présenté au salon de l’Itma (International Textile Machinery) de Paris.

Caractéristiques et applications des étoffes à mailles

Le tricotage permet d’obtenir une étoffe où s’entrelacent des boucles de fils appelées mailles (fig. 12). Ces mailles peuvent être cueillies (tricotage à mailles cueillies ou tricotage-trame) ou jetées (tricotage à mailles jetées ou tricotage chaîne).

Dans un tricot, les mailles sont toujours capables de se déformer. D’où les applications premières de la bonneterie pour des produits qui exigent une étoffe s’adaptant étroitement aux formes qu’ils recouvrent. L’extension du champ d’application de la maille dans l’habillement provient de la volonté de porter des vêtements procurant un confort accru. Les tricots satisfont précisément ce besoin d’envelopper le corps sans gêner le mouvement. De plus, cette propriété des tricots est recherchée pour certaines utilisations industrielles, dans l’ameublement ou la sellerie automobile, par exemple. L’exemple de l’usage de la maille pour le recouvrement des sièges est significatif à cet égard, le tricot pouvant se déformer et suivre les changements de forme d’un siège moderne, moelleux et profond. Ces propriétés d’extensibilité des tricots peuvent d’ailleurs être limitées, si on le désire, par l’incorporation d’éléments de fils quasi rectilignes dans la structure de l’étoffe à mailles.

Aspects techniques

Les techniques imaginées pour obtenir une étoffe à mailles sont très nombreuses. Chacun des tricots à mailles cueillies et à mailles jetées peut être fabriqué au moyen de trois types d’aiguilles: à bec, à clapet et à coulisses (fig. 13).

L’ensemble des aiguilles, disposées toutes côte à côte et de la même façon, constitue une fonture du métier. Selon la répartition des aiguilles, on dit que le métier a une jauge fine ou grosse.

Les métiers peuvent avoir une ou deux fontures, et elles peuvent être rectilignes ou circulaires, d’où la multiplicité des techniques résultant des différentes combinaisons possibles: mailles jetées ou cueillies, aiguilles à bec ou à clapet, jauge fine ou grosse, fonture unique ou double, rectiligne ou circulaire, etc.

Pour comprendre comment un tricot est obtenu mécaniquement, un seul exemple suffit: la réalisation du plus simple des tricots à mailles cueillies, le jersey, au moyen d’un métier rectiligne constitué d’une seule fonture et doté d’aiguilles à clapet. Une telle aiguille est constituée d’un corps, d’un bec, d’un clapet articulé, qui peut laisser le bec ouvert ou le fermer, et d’un talon qui communique à l’aiguille le mouvement nécessaire à la formation de la maille. La figure 14 illustre la formation de la maille. En A, les aiguilles sont en position basse et tiennent dans leur bec les dernières mailles formées. Ensuite, dans les positions B, C et D, l’aiguille monte; au cours de cette phase, l’ancienne maille ouvre le clapet (en B) et glisse (en C) le long du clapet pour passer en D sur le corps même de l’aiguille. Puis en E, F, G et H, l’aiguille descend en cueillant (en E) le nouveau fil dans son bec. Pendant cette chute de l’aiguille, la maille qui se trouvait sur le corps de l’aiguille provoque (en E et F) la fermeture du clapet, monte en G sur le clapet et vient s’abattre sur la nouvelle maille formée (en H).

Aspect économique

L’industrie de la bonneterie est jeune. Un effort très important de concentration et de restructuration a peu à peu transformé un artisanat et une industrie puissante et dynamique. Le tableau 3 précise la situation dans les pays européens.

La bonneterie traditionnelle transforme le fil en un produit fini distribué directement chez le détaillant, ce qui signifie en particulier, on l’a dit, que la confection des tricots est intégrée dans la bonneterie. Cette situation explique pourquoi la bonneterie nécessite une main-d’œuvre importante (essentiellement féminine) et, en particulier, la «délocalisation» de l’industrie européenne. Les parties «nobles» (conception et commercialisation) sont conservées en Europe, alors que la confection est sous-traitée dans des pays à faibles salaires.

4. Les non-tissés

Parmi les technologies de réalisation de textiles surfaciques, la technologie des non-tissés est la plus ancienne, avec des applications récentes. Elle est peu connue du grand public et ne fournit que 6 p. 100 du tonnage textile mondial. Le non-tissé est donc plus ancien que le fil et le tissu si l’on admet que ce terme s’applique également aux feutres de poils d’animaux et de laine ou aux écorces utilisés par l’homme de la préhistoire. Mais on considère en réalité que cette industrie a été créée vers 1935, sa croissance fulgurante étant due au développement des fibres synthétiques à partir des années 1960.

Les étoffes non tissées, de prix très divers, peuvent être composées de toutes sortes de matières fibreuses, mais, actuellement, la plupart sont en fibres synthétiques, de masse surfacique allant de 15 à 300, voire de 2,5 à 10 000 grammes au mètre carré, et pouvant avoir jusqu’à 650 centimètres de largeur. Les technologies de formation de surfaces textiles non tissées sont issues des traditions textiles (voie sèche), mais aussi de la papeterie (voie humide) et de la chimie organique (voie fondue); ces dernières ont engendré plusieurs procédés pointus en combinant les acquis de la plasturgie (technique de mise en œuvre des matières plastiques), avec des principes développés en aérodynamique et en thermique (extrudé-étiré, fondu-soufflé, fibrillé, aéroformé, etc.). Quant aux techniques de liage des fibres, elles font appel à de nombreux principes physiques et chimiques: mécaniques, thermiques, hydrodynamiques, ultrasoniques, etc. Remarquons que l’on passe directement de la matière première fibreuse, voire du granulé de matière plastique, à la surface textile non tissée en court-circuitant les stades intermédiaires de l’industrie textile classique.

Devant la diversité de technologies, de matières premières, de produits fabriqués et de propriétés spécifiques, des difficultés subsistent en ce qui concerne la saisie statistique, la terminologie et la définition des non-tissés. L’E.D.A.N.A. (European Disposal and Nonwoven Association), association européenne des non-tissés, à l’instar des associations similaires américaine et japonaise, regroupe près de 150 fabricants de non-tissés européens. Elle a adopté la définition de l’Organisation internationale de standardisation: «Un non-tissé est un produit manufacturé fait d’un voile ou d’une nappe de fibres individuelles, orientées directionnellement ou au hasard, liées par friction, et/ou cohésion et/ou adhésion, à l’exclusion du papier et des produits obtenus par tissage, tricotage, touffetage et couturage incorporant des fils ou filaments de liage, ainsi que du feutrage humide, aiguilleté ou non.»

Formation de la nappe

Bien que les méthodes soient nombreuses pour former le voile ou la nappe de fibres, on peut les regrouper en trois grandes familles.

Voie sèche

Le voile, composé de fibres de 40 à 150 millimètres de longueur et de 20 à 100 micromètres de diamètre, est produit sur des cardes mécaniques de l’industrie textile. La disposition des fibres dans le voile est préférentiellement longitudinale. Pour obtenir des nappes plus épaisses, de largeurs différentes et avec des fibres à orientation croisée, on superpose les voiles dans un nappeur. Des nappes plus épaisses sont également réalisées sur des cardes pneumatiques où les fibres, généralement plus grosses, sont aspirées par deux tambours ou sur un tablier perforé rotatif et orientées au hasard.

Voie humide

L’eau est le moyen de transport des fibres et de formation du voile. Toutefois, les fibres textiles, hydrophobes, plus grosses et plus longues que les fibrilles de bois utilisées en papeterie, doivent subir des traitements particuliers. Pour empêcher une agglomération sauvage des filaments, il faut utiliser des fibres à coupe impeccable, ajouter des mouillants, ralentir les vitesses de transfert, agiter constamment et diluer la pâte dix fois plus. La formation du voile se fait sur des tamis tournants, soit sous forme de tambours perforés appelés rotoformer, soit sur des toiles planes inclinées. Le voile est ensuite détaché de son support, exprimé et séché. Sa masse varie entre 15 et 200 grammes par mètre carré; la vitesse de production peut atteindre 300 mètres à la minute.

Voie chimique

Méthode de formation la plus récente, la voie chimique consiste à extruder sous haute pression le polymère thermoplastique en fusion (entre 160 et 300 0C) à travers des rampes de filières pour former un rideau de filaments sans fin. Ces faisceaux de multiples filaments sont ensuite étirés et affinés sous tension, puis éclatés, coagulés, enfin projetés et aspirés sur un tapis perforé de formation qui délivre la nappe à 150 mètres à la minute. Une variante, le fondu-soufflé, consiste à soumettre les filaments à un violent jet d’air chaud qui les surétire, les affine et les coupe à des longueurs réduites et variables avant leur projection sur un tambour perforé collecteur.

Les nappes de fibres ainsi formées n’ont pas de consistance suffisante pour être utilisées dans la pratique. Elles doivent subir un traitement de consolidation qui leur confère les propriétés mécaniques souhaitées.

Consolidation de la nappe

La consolidation peut être obtenue par plusieurs méthodes de liage cohésif ou adhésif. Dans ce dernier cas, on apporte un liant soit sous forme liquide ou en mousse, soit à sec, sous forme de fibres ou de poudre. Souvent, on combine plusieurs procédés de liage.

Liage cohésif

Le plus ancien procédé, qui ne s’applique qu’aux fibres animales, notamment à la laine, est le feutrage par foulage. La nappe de fibres de laine cardées est soumise à une triple action combinée. Préalablement imprégnée d’une solution savonneuse ou acide (action chimique), elle est comprimée (action mécanique) entre les plateaux ou les rouleaux rotatifs du foulon et chauffée (action thermique). Les fibres de laine migrent dans le sens des racines et s’enchevêtrent irréversiblement pour former un feutre dense et résistant.

Pour lier ensemble des fibres non feutrantes, notamment les fibres chimiques, on utilise le procédé d’aiguilletage sur des machines appelées aiguilleteuses. Des cylindres d’appel et de rouleaux alimentaires font avancer la nappe de fibres entre une table perforée et un débourreur à travers une zone d’aiguilles à barbes, ces dernières sont animées d’un mouvement alternatif de montée et de descente. Les crans des aiguilles entraînent les fibres à travers la nappe et les enchevêtrent. De nombreuses variantes de ces aiguilleteuses permettent de réaliser toutes sortes de feutres, de 100 à plus de 5 000 grammes au mètre carré, plats, circulaires ou tubulaires, à surface lisse ou structurée, dans des largeurs allant de 2 à 15 mètres.

Un autre procédé de liage mécanique fait appel à l’énergie cinétique de multiples jets d’eau très fins (de 30 à 100 micromètres) et à très haute pression (de 50 à 150 bars). Comme dans l’aiguilletage, ces jets entraînent les fibres du voile, soutenu par un tamis sans fin, dans la profondeur de la nappe en les enchevêtrant. Cette technologie de liage, limitée à des produits légers, permet d’obtenir des propriétés de douceur, de main et de drapé appréciées dans les articles destinés au secteur de l’hygiène.

Liage adhésif au mouillé

Le liage chimique par application d’une émulsion de liant sur la nappe de fibres est le plus ancien procédé et le plus utilisé. Le dépôt de la dispersion aqueuse peut se faire selon différents procédés: par pulvérisation au moyen de gicleurs sous pression, ou avec air comprimé, ou avec une brosse rotative; par imprégnation en plein bain sur un foulard exprimeur ou entre deux tamis transporteurs; par impression partielle au rouleau gravé ou au cadre imprimeur; par léchage ou par raclage, etc. Les liants les plus fréquents sont des résines acryliques, vinyliques, styrènes et leurs dérivés. Leur combinaison, l’adjonction d’autres produits, leurs paramètres (concentration, type de substance, granulométrie, thermosensibilité, viscosité, etc.) déterminent dans une large mesure la qualité des liaisons et, en conséquence, les propriétés physiques et d’usage du non-tissé fini. Après l’application de la dispersion, il faut procéder au séchage de l’émulsion et à la polymérisation de la résine qui forme les points de liage aux entrecroisements des fibres.

Dans la technique d’application de liants en forme de mousses, l’eau d’émulsion est partiellement remplacée par l’air, ce qui permet de réaliser des écononies d’énergie au niveau du séchage. Les mousses sont appliquées par foulardage, racle, plaquage, cadre rotatif, etc.

Liage adhésif à sec

Les liants secs sont des poudres de résines du type acrylique, polyéthylène, polyester, polyamide, phénolique, etc. Ces poudres sont soit incorporées dans la masse fibreuse au niveau de la préparation de la nappe, soit déposées sur la nappe terminée par pulvérisation à l’aide de brosses rotatives ou de cylindres perforés ou gravés. Puis elles sont portées au moyen de radians infrarouges ou de cylindres chauffants à leur température de fusion, collant ensemble les fibres. Quant aux fibres liantes thermofusibles, on les mélange à raison de 10 à 30 p. 100 à la masse fibreuse au niveau de la préparation de la nappe. Il existe des fibres bicomposées, bilames ou concentriques, dont un des deux polymères se ramollit à température modérée. On fait fondre la matière thermofusible qui forme un point de soudure aux entrecroisements des fibres par un apport de chaleur au niveau de la nappe, notamment en la faisant passer sur des tambours ou des tabliers transporteurs perforés à air chaud. Ainsi sont obtenus des articles gonflants et volumineux. Des voiles contenant des fibres thermosensibles, dont la masse ne dépasse pas 50 grammes au mètre carré, peuvent être thermoliés par passage entre deux cylindres chauffés et soumis à une forte pression. Ce procédé de thermoliage par calandrage donne des voiles fins, plats et lisses utilisés dans le domaine de l’hygiène.

Finissage des non-tissés

Après consolidation de la nappe, le non-tissé peut, à l’instar des textiles, subir encore de nombreux traitements de finissage et d’ennoblissement tels que: thermofixage et relaxation, calandrage ou gaufrage, teinture ou impression, traitements chimiques, découpage et enroulement, puis contrôle final et emballage des produits.

Utilisations diversifiées dans un marché croissant

La production mondiale de non-tissés s’élève en 1990 à 1,35 millions de tonnes. La moitié est produite aux États-Unis et un tiers en Europe occidentale, dont le chiffre d’affaires atteint 1,7 milliard de dollars. Ce qui est significatif dans cette jeune industrie européenne, c’est son taux de croissance impressionnant (une moyenne annuelle de 6 à 8 p. 100 entre 1980 et 1990).

De nombreux non-tissés sont utilisés comme textiles semi-finis dans la confection d’autres produits à usage unique ou comme articles durables. Ce sont surtout leurs propriétés techniques parfaitement adaptées aux fonctions d’utilisation et leur coût relativement faible qui en ont assuré le succès, notamment dans des applications techniques.

Un quart des non-tissés est destiné au marché de l’hygiène, qui a vu sa production multipliée par huit en quinze ans. Des voiles non tissés très fins et légers (de 15 à 30 g/m2) servent comme enveloppes de couches de bébé, de serviettes hygiéniques, de protections pour incontinents, d’alèses, etc.

Un tout nouveau secteur, le génie civil et la construction, emploie près de 20 p. 100 des non-tissés en grande largeur, appelés géotextiles. Ils servent comme renfort pour stabiliser et drainer des berges de barrages et de canaux, des routes et des voies ferrées, des terrains de sport et des aires de stockage. Dans le bâtiment, ces produits sont destinés à l’isolation thermique et phonique, au renfort de crépi et de peinture et au support de bandes bitumées pour l’étanchéité des toitures et des terrasses. Dans l’agriculture, l’utilisation des agrotextiles crée un microclimat favorisant la précocité, l’homogénéité et le rendement des plants, protège les cultures des prédateurs et des vents violents, etc. Plus de 10 p. 100 de la production européenne de non-tissés trouve son application dans l’ameublement et la décoration: dossier de tapis aiguilleté ou touffeté, revêtements de sol et mural aiguilletés, couverture, linge de table et de lit, protège-matelas, etc.

D’autres emplois techniques industriels se multiplient: chiffons d’essuyage, feutres en forme de manches ou poches, ou panneaux, ou bougies, pour la filtration des liquides et des gaz en dépoussiérage ou en climatisation; emballage, matelassage et capitonnage; le secteur automobile, avec garniture intérieure, matériau isolant, séparateurs de batteries, renfort de matériaux composites à base de résines, particulièrement légers comparativement aux métaux, etc.; supports d’enduction et d’imprégnation pour le cuir artificiel employé en bagagerie et pour les chaussures, abrasifs ménagers et industriels. Dans le domaine vestimentaire, on trouve l’entoilage, les doublures et triplures, le matelassage isolant ainsi que des non-tissés pour vêtements de parade, de protection et militaires et des composants d’articles chaussants.

L’utilisation dans les hôpitaux a été particulièrement étudiée et développée en raison de la barrière antimicrobienne que constitue le non-tissé (masques, blouses, casaques, compresses, pyjamas, alèses, draps, etc.), employé par le personnel et les malades dans les salles d’opération et dans les chambres de malades. Par ailleurs, le bilan économique d’utilisation du non-tissé, par rapport au tissu classique, est positif du fait de la suppression de nombreuses interventions (raccommodage, installations spéciales, collectes, lavage, stérilisation, tri, coût d’énergie et de produits lessiviels, etc.).

5. L’ennoblissement textile

L’ennoblissement textile concerne l’ensemble des traitements destinés à conférer à un fil ou à un tissu écrus les qualités décoratives et/ou d’usage recherchées par les utilisateurs: couleur, souplesse, «solidités» (à la lumière, au lavage, à la sueur...). Traditionnellement, ces traitements sont répartis en quatre groupes, selon leur rôle et leur ordre d’application: préparation, teinture, impression, apprêt; la teinture et l’impression ont avant tout un but décoratif, les autres traitements ont un caractère plus technique.

Pendant des millénaires, des procédés empiriques et artisanaux, faisant appel à quelques colorants naturels, ont été utilisés et se sont transmis de génération en génération sans modifications profondes. À partir de la fin du XVIIIe siècle, l’art de la teinture et de l’impression s’est progressivement transformé en une industrie, grâce, d’une part, à l’utilisation de nouvelles sources d’énergie et à la mécanisation des procédés et, d’autre part, au développement de l’industrie chimique, notamment à partir de 1856, année de la première synthèse d’un colorant par Perkin. Dès lors, les traitements d’ennoblissement textile bénéficièrent des développements de la chimie, mais toujours pour une application aux étoffes traditionnelles en fibres naturelles de laine, de soie, de coton et de lin, utilisées depuis l’Antiquité. Même l’apparition des premières fibres textiles artificielles (viscose, acétate), au début du XXe siècle, n’apporta guère de modifications aux techniques en usage. En revanche, le développement des fibres synthétiques à partir de 1938 (polyamides, polyesters, acryliques...) a eu une forte incidence sur toute l’industrie textile; en effet, leurs propriétés particulières (caractère faiblement hydrophile mais thermoplastique, haute résistance chimique et mécanique...), opposées à celles des fibres naturelles, ont nécessité la mise au point de nombreuses techniques nouvelles de traitement. De plus, durant cette période, certains facteurs propres à l’ennoblissement, et plus particulièrement l’aptitude à la teinture, ont amené à créer des variantes dans les familles de fibres de synthèse, par introduction discrète dans les macromolécules de fonctions modifiant les propriétés tinctoriales, tant il est vrai qu’une fibre non coloriable ne trouve guère de débouchés autres que quelques usages techniques, trop restreints pour rentabiliser une production industrielle.

Préparation

Les traitements de préparation ont pour objectif essentiel de faciliter les opérations ultérieures de teinture, d’impression ou d’apprêt, en débarrassant la matière textile des impuretés qui accompagnent les fibres: celles-ci peuvent être d’origine naturelle, comme les cires du coton, le suint et la suintine sur la laine, la séricine (grès) de la soie, ou les débris et résidus végétaux, ou d’origine industrielle, comme les ensimages pour faciliter la filature ou l’encollage permettant un meilleur tissage. Les traitements de préparation sont variés et dépendent de la nature des fibres et de l’effet recherché par l’ennoblissement.

Souvent, pour les articles en fibres cellulosiques naturelles, on commence par un flambage (ou grillage): il s’agit de détruire les duvets des fibrilles dépassant de la surface de certaines qualités de fil et d’étoffe, par passage rapide dans une flamme. Plus généralement pour les tissus de laine et similaires, à la place de ce traitement, on pratique le tondage (ou rasage) à l’aide d’une tondeuse à lames hélicoïdales. Par des étoffes en matières synthétiques pures ou en mélanges, on procède à un préfixage, qui stabilise les fibres d’origine synthétique (par une sorte de relaxation et trempage thermiques), effectué soit à l’air chaud entre 160 et 220 0C durant 20 à 60 secondes, soit à l’eau bouillante pendant environ un quart d’heure.

Le désencollage sert à éliminer l’apprêt passager appliqué pour faciliter le tissage; il s’effectue soit par effet de diastases (d’enzymes) sur le produit amylacé (utilisé en encollage de matières cellulosiques), soit par oxydation, ou encore par des solutions aqueuses basiques chaudes pour les produits d’encollage dits solubles à l’eau.

Le désensimage élimine les produits d’ensimage déposés sur les fibres pour réduire les coefficients de frottement pendant le travail en filature. Le débouillissage fait disparaître notamment les cires du coton, et le rend hydrophile: c’est un traitement en lessive alcaline.

Dans le cas du travail de la laine, on procède à un lavage de la fibre en bourre surtout pour la débarrasser du suint et de la suintine (graisse de laine): l’opération doit être conduite à une température inférieure à 50-55 0C, et à pH inférieur à 10,5, soit en bacs successifs, soit sous jets de solutions de détergent (savon-carbonate ou détergents de synthèse). De même, le carbonisage s’effectue sur la laine pour éliminer, par action d’un acide dilué et chaud, les impuretés végétales non enlevées mécaniquement. Enfin, le foulage se pratique sur la laine en pièce en utilisant la propriété de feutrage de ces fibres par action mécanique, favorisée par gonflement en solution acide ou basique à chaud de la cuticule de ces poils.

Dans le cas de la soie, pour permettre la teinture, il faut éliminer la séricine (le grès) par une opération de décreusage, en milieu de savon à l’ébullition, pour donner une soie «cuite», que l’on peut éventuellement «charger», en apprêt à base de sels de métaux lourds fixés en compensation du grès éliminé (soie «au pair») ou davantage (soie «chargée»).

Le blanchiment proprement dit consiste à faire disparaître de la fibre textile ce qui altère sa blancheur. Jadis, le blanchiment s’opérait sur prés par la lumière solaire et l’humidité naturelle, ce qui durait des jours, voire des semaines; on a ensuite utilisé des produits chimiques à action beaucoup plus rapide. L’ancien agent de blanchiment, l’hypochlorite de sodium, n’est plus aujourd’hui que très rarement utilisé pour le coton, ou alors en combinaison avec le peroxyde d’hydrogène. C’est ce dernier produit (l’eau oxygénée) qui est le plus couramment utilisé pour blanchir les fibres naturelles, tandis que, pour les fibres synthétiques, on emploie le chlorite de sodium en milieu acide. Pour la laine, on utilise également des réducteurs de la famille des dérivés du soufre.

Le mode de traitement varie suivant le degré de blanc désiré: blanc «normal», pour les pièces qui seront teintes en nuances claires ou qui seront imprimées (le blanchiment ayant pour but d’augmenter la facilité de pénétration des colorants et d’assurer une plus grande vivacité des coloris), et le «grand blanc» pour des articles qui ne subiront pas de coloration ultérieure. Depuis 1950 environ est également pratiqué une teinture en «colorants» particuliers: les «agents d’azurage optique», incolores mais qui réémettent de la lumière bleue s’ils sont soumis à une irradiation ultraviolette, ce qui augmente l’effet de blanc sous forte illumination solaire.

Le mercerisage est un traitement spécifique du coton, destiné à lui donner un aspect brillant et soyeux, avec l’avantage d’une augmentation de sa résistance mécanique: il consiste à faire gonfler le coton (fil ou tissu), par imprégnation, sous tension, d’une solution concentrée d’hydroxyde de sodium, puis à le rincer et à le neutraliser.

Teinture

Les plus anciens textiles connus ont été trouvés dans les tombes des pharaons (2500 av. J.-C.): ce sont des bandelettes sur les momies, dont certaines étaient teintées en rouge et en bleu. Certains papyrus (à Thèbes, IIIe s. av. J.-C.) ont confirmé que les Égyptiens connaissaient déjà la teinture. Plutarque, Pline, Dioscoride ont rapporté le fait que les vêtements de leurs contemporains étaient de différentes couleurs, et la Bible fait mention de la robe bigarrée de Joseph, qui faisait l’envie de ses frères. Les colorants utilisés à cette époque, et quelques autres à partir du XVIe siècle, étaient d’origine végétale (gaude, indigo, garance, pastel, campêche...) ou provenaient d’insectes (kermès, cochenille). Leur fixation s’opérait par l’intermédiaire de «mordants» (certains sels métalliques) et d’autres ingrédients appliqués préalablement sur le textile. Malgré l’empirisme régnant dans cet artisanat, les teinturiers savaient réaliser des coloris vifs et variés, à en juger par les étoffes et tapisseries qui sont parvenues jusqu’à nous. Cependant, les procédés d’application, longs et compliqués, restaient irréguliers dans leurs résultats.

La découverte des colorants synthétiques (milieu du XIXe s.) et leur production industrielle entraînèrent la fin de l’utilisation de colorants naturels, et permirent une simplification et une rationalisation des opérations de teinture bien que, fondamentalement, le processus soit resté le même: la fibre est trempée dans une solution aqueuse de colorant, ce dernier quitte plus ou moins totalement (épuisement du bain de teinture) la phase aqueuse pour pénétrer dans la fibre et s’y fixer. Le teinturier parle de la «montée» du colorant sur la fibre. La vitesse, la régularité et l’intensité du phénomène dépendent de la nature du colorant et de la fibre, mais aussi de la température, de la durée du contact, de la concentration en colorant, et de la présence de divers adjuvants pour freiner ou pour accélérer, pour régulariser la teinture... La fixation des colorants sur les fibres intervient grâce aux interactions chimiques et physico-chimiques qui s’établissent entre le substrat textile et le colorant.

Ce point important constitue la différence fondamentale entre les «colorants» et les «pigments»: ces derniers ne présentent pas d’affinité chimique pour les fibres, il est nécessaire de faire appel à des liants ou à des résines pour les fixer sur les textiles à la manière d’une peinture, ou encore de les introduire dans la masse, juste avant filage, pour les fibres chimiques, ce qui est rare actuellement.

Le mode de fixation et la nature des liaisons des colorants avec les fibres varient avec les «classes» de colorants [cf. COLORANTS]. Les conditions pratiques de la teinture dépendent de beaucoup de facteurs: gonflement dans l’eau des fibres naturelles (coton, laine, soie...), caractère plus hydrophobe des fibres synthétiques (polyamides, polyesters, polyacryliques...), type et nature (donc caractéristiques et propriétés) du colorant. La plupart des colorants sont hydrosolubles (colorants acides, directs, cationiques, réactifs) ou facilement solubilisables (colorants de cuve, au soufre, par réduction, en milieu basique); d’autres sont insolubles, mais finement dispersables (colorants plastosolubles). Pour la teinture des fibres naturelles et artificielles cellulosiques, le milieu aqueux convient très bien, en opérant entre 30 0C et l’ébullition. Pour la teinture de certaines fibres synthétiques, il a fallu développer des techniques de teinture à haute température (de 125 à 140 0C) en appareil autoclave ou en présence d’agents spéciaux: les «véhiculeurs».

Lorsque la teinture se fait en marche discontinue, l’appareil traite un lot de textile de quelques kilogrammes à une tonne et la durée moyenne de l’opération est de l’ordre d’une heure et demie. Dans les procédés continus, la marchandise (tissu, mais aussi fil ou ruban) traverse successivement plusieurs bains et des enceintes où règnent des conditions d’humidité et de température bien définies pour assurer la fixation du colorant: en fonction de la durée des traitements, il faut dimensionner les appareils et fixer la vitesse de passage. Pour la rentabilité de ces installations, la vitesse de passage se situe généralement entre 20 et 100 mètres par minute, et les derniers perfectionnements laissent entrevoir des cadences de plusieurs centaines de mètres à la minute.

Les nombreux modèles d’appareils se rattachent pour l’essentiel à cinq types.

Les cuves ou barques se composent essentiellement d’un bac rectangulaire, muni intérieurement de tubes métalliques de chauffage. La matière est immergée en vrac (textile en bourre), en écheveaux sur des supports coudés en U (fils), en boyau (pièces de tissu cousues bout à bout), où la barque est munie d’un tourniquet horizontal, par-dessus lequel passe le boyau et dont la rotation assure le déplacement. Elle est en outre surmontée d’une hotte pour capter la vapeur et pour mieux réguler la température.

Dans les machines à tuyères (jets), c’est le bain lui-même qui entraîne le tissu, lors du passage de celui-ci à travers une tuyère où le bain est injecté par une pompe; ce procédé exerce moins de contraintes sur les pièces que le système à tourniquet, et permet de conserver une grande souplesse à la marchandise, notamment pour les articles tricotés.

Dans les appareils à circulation de bain, une pompe propulse le bain de teinture à travers la marchandise maintenue sur un porte-matière approprié et de forme adaptée à la présentation du textile: bourre, rubans, gâteaux de fils. Ces textiles sont fortement tassés entre le manchon central et la paroi extérieure, perforée d’un panier cylindrique. Les filés et les rubans sont enroulés sur un tube perforé, et plusieurs bobines ainsi formées sont embrochées sur des tubes creux, «clarinettes» ou broches, disposés verticalement et fixés sur une plaque ajustée sur le fond de la cuve. Les rouleaux de fils ou les tissus sont enroulés sur un tube perforé ayant la longueur de l’appareil et forment alors une ensouple.

Le jigger est un appareil répandu pour la teinture des tissus: il est constitué par une cuve surmontée de deux rouleaux disposés à l’extérieur. Le tissu, tendu en largeur et ne formant pas de pli, se déroule de l’un des rouleaux sur l’autre, en étant guidé par des roulettes, à travers la cuve contenant le bain; avant que le déroulement n’arrive tout à fait à sa fin, le sens de rotation est inversé automatiquement, l’opération se renouvelant en autant de passes que nécessaire jusqu’à la fin de la teinture.

Les procédés par foulardage, réservés aux tissus, permettent une production en marche continue. La fixation des colorants ne s’effectue plus en bain de teinture: les pièces sont imprégnées de la solution de colorant, celle-ci est immédiatement exprimée entre les rouleaux d’un foulard; la fixation du colorant, seulement déposé au sein des fibres, s’effectue en phase ultérieure par un traitement thermique, par exemple en marche continue par passage à travers un appareil contenant de la vapeur à 100-102 0C, pendant 2 à 3 minutes (procédé dit pad-steam ) ou par passage entre tuyères soufflant de l’air chauffé à 180-210 0C (thermofixage) pendant 20 à 60 secondes.

Un environnement technique important est nécessaire en teinture: récipients pour la mise en solution des colorants et adjuvants de teinture, instruments de contrôle et de régulation des températures et des débits, matériels de rinçage et de savonnage (indispensables pour éliminer les particules de colorants mal fixées et pour aviver les nuances) et appareils d’essorage, de séchage, d’enroulage, de pliage, etc.

Impression

La décoration des étoffes par des motifs multicolores a aussi des origines très anciennes. Elle utilisa pendant longtemps des techniques relevant plutôt de la peinture: selon le nom des «manufactures de toiles peintes» du XVIIIe siècle. Le berceau de l’impression se situe sans doute en Extrême-Orient (Chine, Inde, Java), et ce furent les marchands portugais au retour de ces contrées qui introduisirent en Europe, dès le XVIIe siècle, les premières cotonnades imprimées, les «indiennes», dont le succès fut immédiat et dont la fabrication et le commerce furent réglementés. Mais, peu à peu, les artisans européens apprirent à reproduire les motifs orientaux, en imitant les techniques d’Orient: en dehors de la décoration à la main et des effets de réserve à l’aide de cire appliquée en certaines places du tissu (procédé batik ), on utilisait des planches gravées en relief que l’on appliquait (après les avoir chargées de couleurs) sur les tissus étendus sur de longues tables; chaque motif de couleur différente nécessitait l’application d’une autre planche. Ce procédé long et lent fut remplacé par l’impression au rouleau: d’abord en bois, puis en cuivre et en acier avec les gravures en relief, puis en creux.

Vers 1920, le procédé d’impression au cadre (plat) se développa en Europe, à partir de Lyon («impression à la lyonnaise») où il fut appliqué notamment à la soie. Sur un cadre plat est tendue, fixée par épinglage ou collage sur une longue table, une toile fine recouverte d’un vernis aux endroits où la couleur ne doit pas atteindre le tissu. Le cadre est reporté successivement d’un bout à l’autre de la pièce; à chaque position, la couleur versée dans le cadre est étendue par une racle pour traverser les parties non occultées de la toile; après avoir imprimé une couleur, on passe à la suivante en utilisant un nouveau cadre: le matériel nécessaire et la confection des cadres sont moins onéreux qu’en impression aux rouleaux. L’emploi de chariots avec déplacement et raclage automatiques a permis une amélioration de la productivité, bien qu’on opère seulement à 10-15 mètres par minute. La mise au point de cadres rotatifs, depuis les années 1960, a permis de porter la vitesse d’impression à 60-100 mètres par minute. Cette technique rend continu le procédé jusqu’alors séquentiel: les couleurs sont appliquées à travers des rouleaux creux dont la surface métallique mince est tramée suivant le motif à reproduire: le tissu guidé sur un tapis horizontal passe successivement sous les différents rouleaux composant le dessin multicolore.

Pour l’application, la couleur doit présenter des caractéristiques rhéologiques pour ne pas couler et donner des contours nets d’une part et pour donner l’unisson sur les surfaces de même coloration. C’est pourquoi la «couleur d’impression» comprend des épaississants (amylacés, gommes ou résines synthétiques...) à côté du colorant et de divers adjuvants de teinture; dans certains cas où l’on utilise des pigments, les résines (souvent prépolymérisées) servent de liant pour les fixer en un stade ultérieur de traitement thermique.

À la place de la teinture localisée selon la technique d’impression avec des colorants, on peut également pratiquer soit l’enlevage (ou rongeage) pour détruire localement le colorant précédemment déposé par teinture, soit la réserve pour empêcher localement une fixation ultérieure de colorant. En effet, vers 1800, Bancroft eut l’idée d’augmenter les solidités des impressions, en soumettant les tissus imprimés à l’action de la vapeur. Ce procédé additionnel de traitement thermique («vaporisage») est utilisé systématiquement pour le fixage des colorants.

Un autre procédé a été développé pour l’impression des étoffes en fibres synthétiques: il s’agit de composer le dessin sur un papier, puis de presser celui-ci sur le tissu en portant l’ensemble aux environs de 200 0C durant une vingtaine de secondes; pour le transfert des colorants du papier sur le tissu, il faut des colorants sublimables à cette température: ils migrent sur le tissu et s’y fixent en reproduisant le motif du dessin.

Apprêts

Après teinture ou impression, les étoffes peuvent subir différents traitements d’apprêt, pour modifier l’aspect et le toucher ainsi que certaines de leurs propriétés.

On distingue les apprêts mécaniques (traitements physiques) des apprêts chimiques ou fonctionnels (traitements par produits spéciaux). Les principaux apprêts mécaniques sont le calandrage, qui clôt et brillante le tissu, le similisage, qui imite le mercerisage du coton, le gaufrage, qui donne du relief, le grattage, qui donne du poil (au contraire du rasage qui tond le duvet), le décatissage, qui fixe les dimensions, et le dérompage, qui assouplit l’étoffe.

Les effets lustrés, moirés, gaufrés, satinés sont obtenus par pression entre rouleaux de contexture appropriée.

L’apprêt dit irrétrécissable s’obtient par traitement de sanforisage: c’est un retrait compressif contrôlé durant le séchage (les tissus ne rétrécissent pas au lavage, mais au séchage!).

Le fixage thermique (à 160-210 0C, durant 20 à 60 secondes), appliqué aux étoffes contenant certaines fibres chimiques, provoque une relaxation assurant une stabilisation dimensionnelle.

Les apprêts chimiques donnent des propriétés nouvelles aux articles textiles par rapport aux mêmes articles non traités. Ainsi, l’apprêtage traditionnel du coton aux produits amylacés confère du corps et de la tenue aux cotonnades. La charge de la soie donne du tombant et du drapant aux soieries. Les apprêts infroissables améliorent la tenue à l’usage des articles en fibres cellulosiques, permettant un lavage-séchage sans déformation, en évitant le repassage. Ce traitement est obtenu par la mise en œuvre de réactifs bifonctionnels créant, sous l’action de la chaleur, des pontages chimiques entre les chaînes cellulosiques.

Les apprêts d’hydrofugation rendent les articles non mouillables à l’eau sans que ce soit au détriment de leur perméabilité à l’air. Après avoir utilisé des savons de métaux lourds (zirconium), on préfère employer des dispersions de paraffine et, surtout, de silicones, ainsi que des réactifs monofonctionnels (pour la fixation sur la cellulose) comprenant une longue chaîne aliphatique.

Les apprêts fongicides ou imputrescibles rendent les textiles cellulosiques inattaquables par les micro-organismes et améliorent la tenue aux intempéries. Ce sont des complexes organométalliques ou des sels (de cuivre, de mercure...) d’acides organiques. Pour la laine, le traitement antimite permanent est effectué comme une teinture, pour fixer sur la fibre un poison incolore pour la larve de mite.

Les apprêts ignifuges améliorent la tenue au feu des articles textiles: certaines fibres (laine, soie, chlorofibre, polyamide-imide...) sont, naturellement, difficilement combustibles; d’autres fondent ou se carbonisent sous l’action de la chaleur; les fibres cellulosiques flambent assez facilement; pour réduire cette tendance, il faut éviter la propagation de la flamme et l’embrasement qui s’ensuit: on utilise pour cela des produits qui, sous l’action de la chaleur, fondent en enrobant les fibres ou en dégageant des gaz incombustibles ou incomburants; dans le cas de fibres cellulosiques, on joue aussi sur la propriété déshydratante du pentoxyde de phosphore (P410) formé lors de la combustion de dérivés organiques phosphorés, utilisés dans ces apprêts.

Les apprêts oléfuges et antitaches empêchent les salissures de toute nature d’être absorbées et retenues par les fibres; ils sont à base de résines fluorées.

Les apprêts antistatiques sont donnés à certains articles en matières synthétiques qui ont la fâcheuse tendance de se charger en électricité statique, avec toutes les conséquences désagréables et d’inconfort. Le principe du traitement consiste à rendre la surface plus conductrice par dépôt ou fixation de sels d’ammonium quaternaire par exemple.

L’ennoblissement textile connaît une évolution touchant moins les modes et types de traitement que les conditions techniques de production: greffage de substituants chimiques sous irradiation, développement de procédés à marche continue, automation poussée avec contrôle en ligne informatisé, assistance par ordinateur pour le nuançage. Mais l’essentiel de l’effort porte sur la recherche de la diminution de consommation d’énergie et d’eau (en 1950, on consommait près de 1 000 litres d’eau par kilogramme de tissu ennobli, en 1988, de 3 à 5 litres seulement), ainsi que sur les techniques de dépollution des effluents des installations d’ennoblissement textile.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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